Aline… la vie d’une nonagénaire

Dans mon article d’aujourd’hui, je vais vous parler de ma belle-maman, Aline Dupras-Galipeau et ce qu’elle vit aujourd’hui alors qu’elle a atteint l’âge vénérable de 90 ans.

Durant toute sa vie, Aline a toujours vécu pour sa famille, c’est-à-dire ses sept enfants, Marie-Claire, Francine, Jean-Jacques, Yvon, Mario, Johanne, Alain et de son époux, Arthur. Elle a eu 14 grossesses en 20 ans environ et de ses 14 grossesses, 7 enfants sont vivants. Elle a aussi perdu un fils, par noyade, alors qu’il avait à peine 7 ans.

Aline a toujours proclamé avoir été une femme heureuse, une femme libre qui a toujours fait ce qu’elle a voulu dans la vie.

Le 1er avril 1996, l’histoire d’amour qu’elle vivait avec son vieux, comme elle l’appelait, depuis près de 60 ans s’est terminée avec le décès de celui-ci. Même si elle ne le démontrait que très rarement, ma belle-mère a trouvé ça très difficile de se retrouver seule. Vieillir à deux c’est merveilleux, mais vivre seule, après tant d’années de vie commune, c’est un peu le début de la fin. Aline trouvait la maison bien vide après le départ d’Arthur.

Un événement, entre autres, est venu chamboulé sa quiétude, lorsqu’elle se rendit compte qu’un ou des voleurs s’étaient introduits dans son garage. À partir de ce moment elle devint plus craintive et de fil en aiguille ça la rendit malade. En avril 2011, après avoir été hospitalisée et évaluée, Aline allait vivre à la résidence La belle Époque à Maniwaki où elle y demeura durant 4 ans. Au début, elle semblait bien s’intégrer à son nouvel environnement mais après quelques mois, elle s’isolait dans sa chambre et ne voulait plus côtoyer les autres résidents. En 2015 après un séjour à l’hôpital et une autre évaluation, elle fut admise au Pavillon de la Paix, une résidence pour personne en perte d’autonomie cognitive et voilà qu’en septembre 2017 elle n’est plus en condition de réintégrer cette résidence, car après une autre hospitalisation et une troisième évaluation, on décide de l’envoyer dans un CHSLD ( Centre d’hébergement et de soins de longue durée).

Quand tu embarques dans le système, comme on dit, la principale intéressée ainsi que les enfants ne décident plus de rien. Dernièrement nous avons vraiment pris conscience que nous, ses enfants, n’avions aucun pouvoir décisionnel quand au bien-être de notre mère et belle-mère, même si notre plus grand désir est d’agir selon sa propre volonté. Lorsqu’elle était en condition de s’exprimer clairement, Aline nous a toujours mentionné  son désir d’aller au foyer d’accueil de Gracefield, advenant  le cas où elle ne pourrait plus subvenir à ses besoins. Elle nous disait aussi qu’elle ne voulait pas être à la charge de ses enfants.

Voilà  qu’aujourd’hui, elle se retrouve au Foyer du Père Guignard à Maniwaki… un endroit qu’elle ne connaît pas, des gens qui lui sont complètement inconnus, un environnement où elle n’a aucun repair et Dieu sait comment elle en aurait besoin et nous aussi nous le savons. La raison pour laquelle elle se retrouve à Maniwaki et non à Gracefield… manque de place au foyer d’accueil de Gracefield et pourquoi il n’y a pas de place… parce que l’endroit sert de transition à des personnes qui attendent une place pour un autre centre d’hébergement, soit à Gatineau, à Maniwaki ou autres. Les gens qui s’y retrouvent peuvent venir d’un peu partout, mais lorsque nos personnes âgées, natives de Gracefield et y ayant vécu presque toute leur vie, voudraient aller y finir doucement leurs jours, il n’y a plus de place pour elles. Les gens sont placés par l’entremise d’une travailleuse sociale du CISSSO (Centre intégré de santé et services sociaux de l’Outaouais). Ce n’est plus la personne qui décide où elle veut aller et non plus sa famille qui la représente… ils peuvent l’envoyer où bon leur semble et où il y a de la place!!!

Aline était hospitalisée depuis un mois, mais ayant été soignée et n’étant plus considérée comme malade, elle devait quitter au plus vite l’hôpital car elle occupait un lit et la vieillesse n’est pas une maladie. Quand on nous a mentionné qu’il y avait une place au foyer de Maniwaki, ce fut un non catégorique, pas question pour nous de l’envoyer là… jamais Aline n’aurait voulu ça!!! Cette femme s’est toujours tellement impliquée dans sa communauté et dans sa paroisse où elle a vécu ses plus belles années et où elle fut heureuse, peut-on lui permette de venir finir ses jours parmi sa famille et ses amis, dans un environnement qu’elle connaît, qu’elle a choisi et avec des gens qu’elle aime.

Bien entendu, nous avons demandé à ce qu’elle soit transférée au foyer d’accueil de Gracefield dès qu’une place serait disponible… on nous a assuré que ce serait fait ainsi, mais quand, tiendront-ils parole, malgré un document qui le stipule, prendront-ils en considération le bien-être et le souhait de ma belle-mère de finir ses jours dans son patelin ou au contraire considereront-ils qu’elle est déjà dans un CHSLD et ne sera plus, pour le système, une priorité???  Voilà les questions qu’on se pose dans tout ce fouilli de bureaucratie. Pourquoi ne pas l’avoir montée au troisième étage de l’hôpital, comme il en avait été question deux semaines après son hospitalisation, comme place de transition, ça lui aurait éviter un déménagement supplémentaire. Me semble qu’à 90 ans, elle mérite un peu plus de considération.

En plus de vous faire part de ce que vit une personne âgée, une personne de l’âge d’or, une personne de 90 ans, je veux rendre un vibrant hommage à une femme formidable, une dame de cœur, une femme aimée autant de sa famille que des gens de son village, une épouse, une mère, une belle-mère, une grand-mère et finalement une arrière-grand-mère!!!

Aline à son mariage avec son bel Arthur.

Aline, en plus d’élever ses enfants et de voir au bon roulement de son foyer, s’est investie à 150% dans sa communauté. Entre autres, durant une quarantaine d’années, elle a fait partie de tous les comités d’un organisme de la paroisse de Gracefield, nommé l’AFEAS (Association féminine d’éducation et d’action sociale) dont présidente durant cinq ans et secrétaire durant sept ans. De par sa religion catholique, elle se faisait un devoir d’aller à la messe tous les dimanches, était impliquée dans le comité de décoration de l’église, membre du conseil de la Pastorale et elle a chanté dans la chorale pendant plus de 25 ans. Elle a participé à des collectes populaires pour combattre le cancer de même que de la sollicitation de support financier pour sa paroisse. Elle s’est également impliquée dans la préparation de repas après funérailles pendant cinq ans. Elle fut même conseillère pour le Foyer d’accueil de Gracefield. En 1987, aidée de plusieurs autres femmes, elle a mis sur pied un comptoir familial de linge usagé où elle a cessé d’œuvrer alors qu’elle avait plus de 80 ans. En 1989, elle a été proclamée « Personnalité en or » de la paroisse de Gracefield.

On la voit ici bas posant fièrement avec sa plaque honorifique.

Ma belle-mère aimait beaucoup recevoir toute la famille. Ainsi chaque année, elle se préparait à accueillir tous les siens pour la veille de Noël. Elle commençait à popoter des mois à l’avance. On se souviendra de sa salade aux patates, de ses tartes au sucre, aux œufs, aux framboises, aux pommes. Elle cuisinait son rôti de bœuf comme pas une. Combien de fois j’ai essayé de faire ma tarte au sucre comme la sienne. Je disais alors à mon conjoint…. elle y ressemble hein… mais jamais aussi bonne, jamais aussi onctueuse, jamais comme la sienne.

Chaque automne, Aline récoltait ses légumes et faisait des conserves.  Je me souviens lorsque j’étais enceinte de mon premier fils, je voulais l’aider, mais cette année là il n’en était pas question… dans mon état j’aurais pu faire surir les conserves!!!

C’est elle qui m’a montré comment blanchir les légumes et sa bonne recette de cornichons « Pain-Beurre »… recette que je fais années après années et que nous adorons.

L’été… elle adorait l’été, car c’était pour Aline et Arthur la saison du camping. Elle préférait aller camper en pleine forêt que voyager dans les grandes villes. Les fins de semaine que nous sommes allés camper avec eux ainsi qu’avec nos enfants, Christian et Francis,  resteront à jamais gravées dans ma mémoire. Ils étaient tellement contents quand nous allions les rejoindre, ils nous attendaient toujours avec impatience. Jeanne et Lionel Émond, leurs grands amis, les accompagnaient dans toutes leurs sorties. Comme nous avons eu du plaisir avec eux. Le soir, il fallait faire un feu, un beau feu et on s’assoyait tous autour et on se racontait des histoires, on jasait de tout et de rien et on finissait la soirée en buvant un bon thé.

Parfois on allait prendre une marche Aline et moi et elle voulait que le chien, ma tatou, vienne avec nous au cas où nous rencontrions un ours. Elle disait:  « Pendant qu’il va manger le chien, nous on va se sauver » ou encore si le chien ne venait pas elle disait: « L’ours va préférer la viande plus jeune et moi je vais me sauver ». Ça nous faisait bien rire.

Nous allions aussi ramasser des petites fraises de champs et des framboises. Elle aimait tellement ça cueillir des petits fruits. De retour à la maison elle préparait ses confitures. Je me souviens d’une année où nous étions allés dans le bout de Clova pour ramasser des bleuets. Il y en avait tellement… c’était trop beau de voir ça qu’elle disait.

Aujourd’hui, cette Aline que nous avons  connue n’est plus… Aline qui aimait tant lire, ne lit plus… Aline qui aimait tant regardé les programmes à la télé, ne la regarde plus… Aline qui aimait tant jasé, n’entretient plus aucune conversation… Aline qui aimait tant rire, n’esquisse à peine un sourire et ce très rarement. C’est tellement triste de la voir ainsi. Bien certain qu’elle fait un peu d’alzheimer, un peu de démence, mais nous nous considérons très chanceux qu’elle nous reconnaisse.

Nous espérons que le ciel entendra notre requête et lui permettra de venir finir paisiblement ses jours dans sa paroisse, dans sa communauté, dans son patelin, avec sa famille et ses amis au Foyer d’accueil de Gracefield et ce, selon sa plus profonde volonté.

En finissant je vous annonce une grande nouvelle car au moment de finir mon histoire, Aline est rendue au Foyer de Gracefield depuis le 6 novembre. Je dois vous dire que le personnel du Foyer du Père Guinard de Maniwaki a très bien pris soin d’elle, mais quel bonheur de l’avoir proche de nous, de savoir que nous avons réalisé son souhait d’être à Gracefield et de constater après seulement une semaine qu’elle y sera traitée aux p’tits oignons. L’accueil à cet endroit est des plus chaleureux. Quand nous sommes arrivés avec ma belle-mère les employés (es) sont venus à notre rencontre et se sont présentés à Aline. Quand nous allons la visiter les filles nous saluent, nous sourient et viennent nous parler. Tout le monde est sympathique.

C’est d’autant plus facile pour nous… j’ai affaire au Métro, j’arrête lui faire un petit coucou seulement pour me rassurer qu’elle est bien. Je peux y aller chaque jour c’est à cinq minutes de chez moi et avec l’hiver qui est à nos portes ce sera tellement plus facile.

J’ai fait une promesse afin qu’Aline soit transférée à Gracefield dans le plus bref délai et je vais la tenir car je considère que ma prière a été entendue.

J’espère que vous avez aimé mon histoire car elle n’est que vérité et je terminerais en vous disant que si vous avez une mère, un père, grand-mère, grand-père, arrière-grands-parents, allez les visiter et prenez-en soin car dans votre jeune âge ils ou elles ont été là pour vous… car sans eux vous ne seriez pas en train de lire ce texte!!!

2 thoughts on “Aline… la vie d’une nonagénaire

  1. Récit passionnant et cette dame de 90 ans et plus, mérite toute mon admiration. Je suis très heureux pour elle, car elle pourra terminer ses vieux jours parmi les siens, et ce dignement, dans sa paroisse de Notre-Dame de la Visitation, Gracfield Comté Gatineau.

    Également bravo pour l’auteur de ce texte des plus intéressant et bien ficelé en tant qu’article pour le Journal Le Droit Hull-Ottawa. Étant moi-même natif de Hull, je suis né en la paroisse Saint-Raymond, rue Saint-Raymond coin rue Montpetit.

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